PIERRE SOULAGES



Dans une période plutôt agitée de ma vie.
Dans un tournant.
Il y a quelques années, par la fenêtre d’un appartement qui m’avait vraisemblablement adopté, je fixais dans le salon de l’appartement voisin, un tableau de Pierre Soulages.
Les voisins en possession de ce tableau avaient jugé bon de placer au-dessus un spot pour apporter leur propre éclairage et mettre en valeur (j’imagine) les « détails » de cette œuvre.
C’était une erreur, du même ordre que celle qui faisait que je me trouvais là dans cet appartement, en face, surtout que j’allais y rester quelques mois supplémentaires.
Je regardais ce noir miroir de loin, en va et vient.
La nuit, il perdait tout, dès que le spot s’allumait.
Dans la cour de briques qui me semblait happer toute la brume de l’hiver et qui nous séparait, dans ce désordre personnel, à l’endroit où tout m’échappait et où je n’avais pas d’autre solution que d’accepter tous ça, le tableau d’en face, de Pierre Soulages restait impassible, stable, exemplaire.
Il persistait à porter dignement le nom de son auteur, Soulages.
Un nom des familles.

Voici une des raisons (non des moindres) pour laquelle le samedi, 19 novembre 2011 à Beaubourg, dans la librairie, j’ai intimement voulu photographier ce peintre, même si j’ignorais qu’il devait être là, à ce moment précis, j’étais présent, voilà tout.

4 commentaires:

Bridget a dit…

Un texte plein de mystère qui sied bien au visage de Pierre Soulages, UN nom beau comme un pseudonyme et qui, Dieu merci, n'en est pas un; parfait.
Ah oui, le spot, quel dommage, mais il A suscité ce joli billet.

Cat a dit…

Aucun spot ne jettera de lumière sur nos obscurités. De la nuit du peintre jaillissent la permanence minérale et la délivrance. Merci Lacan !

Valéry Lorenzo a dit…

Merci Bridget
Ravi que vous passiez ici, sur le sujet du noir de Soulages. Je pense au noir en fond, que vous utilisez dans votre cabinet de curiosités. Noir de mars, d'ivoire ?

Cat, en effet, c'est vraiment très à propos !
Ce commentaire en guise de complément est super !
Lacan entre les doigts de Soulages = Laquant

Bridget a dit…

Corne de licornes, dents de narval, os calcinés et patiemment broyés: Noir d'Ivoire, idéal pour les cabinets de curiosités!